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Interviews exclusives

[asHeR] Endokrin


Aujourd’hui, je me penche sur la carrière et le parcours singulier de notre ami Christophe, plus connu sous le pseudonyme d’asHeR [Endokrin Sound System]. Plus de 19 ans qu’il baigne dans la culture de la musique électronique underground : on peut dire qu’il s’agit d’un « ancien » déjà, et je suis véritablement honoré d’avoir pu interviewer ce monument de l’Acid musique en France… AsHeR n’avait jamais accordé d’interview, je le remercie donc pour son ouverture d’esprit, son abnégation, son professionnalisme, ainsi que son sens du partage^^.

L’interview :

Salut, Christophe ! Pourrais-tu te présenter et revenir sur ton parcours dans l’univers de la Free Party ?

Alors moi c’est asHeR (Christophe ou Tof pour les intimes), fondateur de Endokrin en 1999, un Sound System qui privilégiait le live. J’ai tout d’abord connu la Techno dans ce qu’on appelait les raves, pour ensuite vivre la déferlante Hardcore, typique de notre région, et enfin j’ai connu les Free Party’s.

Au départ, je n’ai pas adopté le mouvement à 100 %, parce que je le trouvais trop réducteur : peu de variété musicale, tenue vestimentaire conformiste, manière de danser très standardisée… tout cela donnait un résultat général très froid. De nos jours, le mouvement « Free » a évolué de manière intéressante : on y retrouve l’ambiance déjantée que l’on pouvait trouver dans les raves, une plus grande variété musicale, et l’aspect « fêtes libres » y a été conservé. Quand on organisait nos premières soirées, nous n’employons pas le terme de « Free Party »… nous préférions parler de fêtes dans des lieux insolites, avec une liberté totale, et à moindre coût^^ !

Quelques mots sur ce que j’ai fait, musicalement parlant :

Liver en solo tout d’abord, au sein de nos teufs, dans un style que l’on pourrait qualifier d’Acid Hard Techno. Le terme Acid Tribe n’existait pas encore. J’ai ensuite fait parti d’un duo crée avec mon frère Dozer, dans un style plus dur, très proche du Hardcore : l’aventure Dozash avait débuté ! C’était entre 2000 & 2002. Notre duo a connu un franc succès, tout d’abord dans les soirées Underground, puis lors de soirées légales et commerciales, aux côtés des standards du Hardcore Français de l’époque, tel que Laurent Hô, Micropoint, Joshua, Speedfreaks… Ce type de soirées ne nous correspondant pas pour diverses raisons, nous avons décidé de clore le duo et de repartir sur autre chose…

Nouvelle création de duos entre 2002 & 2004, avec Jamsh cette fois, et dans un style encore plus dur (700°) : histoire de clôturer la partition « musiques violentes » de mon parcours. C’est après cette période turbulente que je suis revenu dans un style un peu plus.. Calme. Là, j’étais seul derrière les machines : Acid Core !!

À titre personnel, je trouve que les styles de musiques électroniques diffusés en Free Party ce sont énormément « universalisés/formatés », ces dernières années… ton avis sur la question ?

Justement, je trouve que depuis 2010, les soirées sont plus variées, musicalement parlant, par rapport aux années 2000. On peut aller en Free et entendre de la Minimale, de la Drum’&’Bass, du Hardcore, de la Tribe, de la Trance, de la Techno, de l’Acid ou d’autres styles, plus farfelus encore ! Le seul truc qui me fait peur en ce moment, c’est l’énorme succès de l’Acid Music… le nombre d’artistes qui s’y mettent actuellement : c’est simplement hallucinant ! Je pense qu’on peut vraiment arriver à saturation si la diversité n’est pas au rendez-vous !

Je te suis à 100 % ! Et sinon, lors notre dernière discussion, tu m’avais confié être « tombé dans l’Acid Tribe quand tu étais plus jeune ». Peut-on te considérer comme l’Obélix Lorrain de l’Acid Core^^ ?

Disons que j’ai découvert l’Acid Core par hasard aux Eurockéennes de Belfort. Pas dans le festival, mais avec un Sound System qui posait sur le camping : je me suis pris une grande claque !! J’ai retrouvé le morceau bien après… C’était Brain 2, un track résolument Acid, avec une TB-303 des plus efficaces ! Depuis, j’ai la nette impression qu’une piste audio n’est jamais vraiment terminée tant qu’elle n’a pas sa propre ligne Acid !! 🙂

Du coup, tu t’es clairement orienté vers ce type de musique à tes débuts ? Ou bien, as-tu commencé par d’autres styles électros (genre Techno underground, Tribe, Pumpin Tribe ou autre) ?

J’ai composé quelques trucs très rapidement (avec un synthé Roland et un Amiga), dans un style proche de ce que j’avais découvert en écoutant le premier Thunderdome et ensuite, j’ai entendu ma première boucle Acid et ce fut le début d’une longue histoire d’amour…

As-tu commencé par l’art du mix avant de te mettre à la production musicale sur machines ? Et si oui, vinyles ou CD ?

Je me suis mis au mixage très rapidement, avec des platines récupérées sur une disco-mobile, et dans un style progressant de l’Acid Core, au Hardcore… mes productions personnelles n’étant pas suffisamment abouties. Je jouais lors de petites soirées entre potes, mais ils n’avaient pas l’air emballés… 🙂 mon 1er live en public m’a prouvé le contraire : les gens étaient très réceptifs !! C’était parti pour la composition !

D’où te viennent tes inspirations ? Des artistes qui t’ont inspiré et/ou qui t’inspirent encore ?

Mes premières inspirations sont pour moi, les bases de l’Acid… Emmanuel Top, Stay Up Forever, Brain, Smitten… actuellement, je n’ai plus d’inspiration spécifique. En effet, je n’ai plus vraiment le temps d’écouter ce que font les autres… le peu de temps que j’ai à consacrer à la musique me sert à faire évoluer au mieux la mienne. La vie de famille c’est très bien, mais ça prend du temps aussi.

Effectivement. Parle-nous un peu de ton label et de tes productions !

Oniroblaste est un label plutôt humble, qui donne accès à nos productions à moindre coût. J’aime à penser que la musique se partage, et ne se vend pas. Comme je le dis souvent, c’est le disque que je vends, et non la musique qu’il y a dessus. Nous faisons figurer sur chaque skeud des artistes locaux qui n’ont encore jamais eu l’opportunité de presser, aux côtés d’artistes plus connus, ayant déjà fait leurs preuves. Tout cela, avec une touche Acid, évidemment ! Pour ce qui est de mes propres productions, je compose principalement en duo, généralement avec mon collègue Jamsh. Chacun donne des idées à l’autre en mettant en place ses propres sons, c’est très enrichissant ! Cela peut être dans des styles très varié tant qu’il y a une ligne Acid efficace ! 🙂

Quels sont les objectifs que tu te fixes actuellement ?

J’aimerais que le label continue à fonctionner de cette manière et que je puisse continuer à jouer comme c’est le cas actuellement. En fait, je suis vraiment à l’aise en ce moment : je joue une fois par mois dans une soirée qui me plaît, avec un public qui aime ce que je lui propose, et pas trop loin de chez moi… Que demander de plus ??

C’est clair^^ ! Des projets en cours ? Une petite exclue pour les lecteurs du blog LeDiscographe.fr ?

En ce moment, je commence une série de duos qui ne sont pas forcément issus de l’univers « Acid ». Ça a commencé avec « TheCrashbreaker », le track est disponible à l’écoute sur Soundcloud d’ailleurs… Je peux vous lâcher quelques noms en exclu pour les duos suivants… Al Core, Naya, Miltatek, Ind, The Mastery…

Al Core… DU LOURD ! Qu’est ce qui fait d’après toi, la culture de la musique électronique underground, à l’heure actuelle ? Quelle est l’image que tu t’en fais, vis-à-vis de ta longue progression dans le mouvement ?

Pour moi, la musique électronique underground doit être synonyme d’humilité, de partage, et de simplicité : des valeurs qui me sont chères. Personnellement, je fuis les scènes et les fêtes commerciales, et je reste proche des lieux et des milieux alternatifs, qui restent à l’opposé des endroits dédiés au commerce de la fête (exemples : boites de nuit, clubs, et autres…). Après, peu importe le style joué tant que l’émotion est au rendez-vous !

À tes yeux, ça bouge dans le bon sens au niveau du mouvement « Free » ? Que penses-tu des mentalités actuelles dans le milieu ?

Question compliquée… d’une teuf à l’autre, c’est le jour et la nuit !

asHeR – Endokrin Sound System & Oniroblaste Records.

Lorsqu’on organise des fêtes libres, on peut s’attendre à tout ! Dans la même soirée, c’est toujours la première de quelqu’un et la dernière de quelqu’un d’autre… et oui, la roue tourne ! Pour ma part, les principaux efforts à faire sont de l’ordre du respect… respect individuel, respect collectif, et respect du lieu ! Le jour où tout le monde ramènera chez soi ses propres déchets, un grand pas en avant sera déjà franchi :-).

AUTOGESTION !

Des idées pour que le mouvement « Free » perdure, surtout vu la répression toujours plus importante dont les forces de l’ordre font preuve, à chaque manifestation ?

J’ai la nette impression qu’il y a du mieux en ce moment, principalement dans les petits rassemblements (env. 500 personnes max.). Tous les week-ends il y a au moins 3 ou 4 teufs dans la région et l’on ne parle de véritables saisies que très rarement…

Pour que les flics nous lâchent un peu, il faut aussi que les gens fassent un effort et arrêtent de conduire dans des états seconds ! En « Free Party », on peut rester tout le temps que l’on souhaite ! Le jour ou les flics ne choperont plus personne, peut être que ça ira mieux !

asHeR – Endokrin Sound System & Oniroblaste Records.
Les gendarmes ne font, certes, que leur travail, cependant, que penses-tu de la démarche actuelle des forces de l’ordre en France, vis-à-vis du monde des « Free Party », notamment depuis l’instauration de « l’état d’urgence » ?

Dans les soirées où je joue, ils se contentent souvent de poser un barrage à la sortie… Par contre, si la teuf se déroule dans un endroit illégal, ils feront tout pour la stopper. Généralement, les teufs se déroulant sur un terrain privé (loué ou prêté), par un particulier se passent bien. Comme on dit entre organisateurs, il vaut mieux avoir un barrage à la sortie, plutôt qu’un mort sur la route !

C’est si bien dit ! Autre sujet. Parlons un peu hardware tous les deux. Peux-tu parler de ton rack, qui est plutôt impressionnant je dois dire. Tu joues en full hardware apparemment ?

Oui, full hardware ! Beaucoup de choses dans mon rack effectivement… des séquenceurs (Yamaha Rm1X), des sources sonores (Jomox Xbase, Nord Rack 2X, DSI Morpho, XoX Box, Syntecno Teebee, Roland MC-303). Des effets aussi (distorsion à tube, et à lampe, compresseur, filtre Shermann, Ring modulator) + une régie Mackie, pour mélanger le tout… !

Jomox, Shermann, Yamaha… Du lourd !

Tu live toujours en impro ? Pour quelle(s) raison(s) ? Prends-tu plus de plaisir à jouer de cette manière ?

Oui toujours ! c’est de la semi-improvisation on va dire. Je prépare certaines choses en amont tout de même. Après, libre à moi de jouer de la manière que je souhaite : tel un cuisinier, ou un alchimiste, je peux ajouter ou enlever une pincée de ceci ou de cela, n’importe quand ! Les gens qui m’entendent jouer régulièrement ne s’en lassent pas. J’en déduis que le résultat obtenu est différent à chaque live ! En tout cas, pour ma part, c’est la seule manière de jouer !!! Construire un set-up sous Ableton Live + contrôleur, dans le seul but de pouvoir jouer plus loin… cela ne m’intéresse pas !

Que penses-tu justement de cette nouvelle vague de producteurs/compositeurs, et même de DJ, qui privilégient à 100 % les performances live sur PC/MAC, plutôt que sur machines ou platines ?

Ça ne me parle pas spécialement… moi j’ai toujours connu les machines. Quand je suis sur PC, j’ai l’impression de travailler, alors que sur mes machines je joue ! Après le résultat est là… on peut vraiment travailler de manière très précise en MAO, mais je trouve que cela donne une musique moins vivante. Et à regarder jouer… je n’y adhère pas ! Voir quelqu’un qui joue avec un contrôleur MIDI ne me passionne absolument pas ! Le gros côté pratique de la musique assistée par ordinateur, c’est le gain de poids et l’encombrement général qui permet d’aller jouer loin de chez soi. Personnellement, il faut que je remmène 3 flycases, blindés de machines pour jouer. C’est très contraignant, mais une fois que je suis installé, devant le son, c’est un régal !

Le macaron du Oniroblaste 009.
Avant dernière question te concernant, à quand ton prochain live act ? Déjà une date prévue ?

Oui toujours de nouvelles dates de prévues !!! Rendez-vous sur Facebook pour plus d’informations (cherchez sous asher).

Je vais poser un lien dans cette interview, ne t’inquiète pas ! Pour conclure, un petit conseil à donner aux jeunes qui ont l’envie de s’investir dans le mouvement « Free » ?

Faites-vous plaisir, et montez-vous une sono de qualité ! un petit coup de pub pour HR Menuiserie, au passage haha !

asHeR – Endokrin Sound System & Oniroblaste Records.

Pour conclure, je tenais encore à te remercier, Christophe, pour le temps que tu m’as accordé ! et je te félicite pour la ténacité dont tu fais preuve ! Respect aussi pour l’image que tu as de la production de disques ! je trouve le concept « d’ouverture » de ton label très intéressant, ça va vraiment dans le sens de la culture underground, alors chapeau bas. Bonne continuation et à très bientôt j’espère, sur LeDiscographe.fr !

Tu as aimé cette interview ? Alors, je t’invite vraiment à la partager autour de toi et surtout, à t’inscrire à la newsletter, car elle te donnera accès, tout au long de l’année, à de nombreux contenus supplémentaires en totale exclusivité^^ ! Pense également à me suivre sur Facebook, Instagram & Twitter, ainsi que sur le Chanel YouTube officiel du blog LeDiscographe.fr. Peace !

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